
La communion des soins
Cet article raconte le chemin de foi de Paula Celani à travers l'expérience des soins prodigués à son mari, à ses amis et aux membres de sa famille pendant leur maladie. L'article a été publié pour la première fois dans le magazine « Lives lived ». Paula Celani est une Montréalaise de longue date en fait, une résidente de longue date du quartier de Notre-Dame-de-Grâce. Fille d'immigrés italiens arrivés au Canada après la guerre, elle a travaillé pendant des années dans le secteur de la santé et des services sociaux. Elle a pris sa retraite il y a 12 ans en tant que directrice des services aux adultes et aux familles.
Veuve après 19 ans de mariage, elle est active dans sa paroisse locale, a des relations étroites et affectueuses avec ses nièces, leurs conjoints et leurs enfants. Paula joue un rôle central dans la fondation En Route Fondation En Route qui soutient le mouvement de Communion et libération au Canada.
Il s'agit d'une brève esquisse biographique d'une vie déjà bien remplie. Mais elle ne suffit pas pour raconter l'histoire de Celani, développée pendant près de trois décennies, dans l'accompagnement physique et spirituel des personnes dans les derniers mois et les derniers jours de leur vie.
Ce que Celani fourni, avec un réseau d'amis et d'alliés qui se développe autour d'elle, est un service palliatif catholique, non institutionnalisé et sans bureaucratie. Le fait même d'appeler cela un service ne suffit pas à le caractériser. L'histoire qui se cache derrière
son histoire se lit comme une collaboration de la grâce, un assemblage complexe de vies humaines et de leur destin éternel par la main d'un Dieu attentif et aimant.
Six mois avant le mariage de Celani, son fiancé Rico reçoit un diagnostic de cancer. Malgré cette nouvelle, ils ont continué leur chemin et ont décidé de se marier. Au cours des premières années,la vie était une combinaison de la normalité de leur travail et de leur vie de couple, et l'anormalité d'un mariage ou un jeune homme recevant des traitements agressifs contre le cancer, Celani s'est concentrée sur la normalité. Elle a gardé la vision d'un mariage heureux, d'une belle maison et d'une famille qui s'agrandit.
La réalité a frappé le couple lorsqu'il a appris qu'il ne pouvait pas avoir d'enfant. La radiothérapie avait rendu Rico infertile. « Je me souviens du week-end où il l'a appris, oh mon Dieu, je crois que nous avons pleuré pendant tout le week-end ! C'est là que ma crise a commencé. J'étais tellement en colère contre Dieu.”
Bien que l'impossibilité d'avoir des enfants était une déception profonde, Celani voyait que son mari l'aborder avec une attitude différente. « Je le voyais prier. Je l'entendais dire que Dieu avait peut-être un plan différent pour moi et pour nous. Quand il me disait cela, je me demandais ce que cela pouvait bien vouloir dire. C'est un plan magnifique. Qu'est-ce qui ne va pas avec ce plan? peut-être qu'il a un plan beaucoup plus grand pour nous. Et ça, je n'arrivais pas à le comprendre».
Celani décrit sa foi comme immature à l'époque. « Mon mari a accepté sa maladie et les défis qui en découlent avec une confiance totale en Dieu. Je l'ai accueillie avec crainte et terreur, en me demandant plutôt : « Qu'est-ce qui se passe, bon sang ? »
Sa colère et son éloignement de Dieu augmentent au fur et à mesure que la santé de son mari se détériore. Au bout de 16 ans, le cœur et les poumons de Rico ont été détruits par des traitements intensifs de radiothérapie. « Tout était de plus en plus sérieux. Je m'occupais de plus en plus de lui. Je me souviens lui avoir dit: « Je ne comprends pas. Tu aimes ce Dieu, mais je le déteste. Je le déteste vraiment en ce moment parce qu'il m'a enlevé tous mes rêves et j'ai l'impression d'être royalement punie'.
Un autre moment de crise a suivi la fête de la conversion de saint Paul, le 25 janvier. La nuit précédente, Rico avait du mal à respirer. « Je me souviendrai toujours de cette date », dit Celani. « J'ai vraiment paniqué, pleuré de façon hystérique, crié à Dieu. J'étais très agressive.
Après la crise, Rico s'est retourné et lui a dit : « Tu vas t'en sortir. Je te le promets. »
Le lendemain matin, Celani reçoit un appel inattendu du père Markus Merz, un nouveau prêtre de leur paroisse qui voulait leur rendre visite. Avec son oxygène, Rico sort du lit et insiste auprès de Celani pour qu'elle prépare du thé et des confiseries pour leur visiteur. Elle se souvient d'avoir assisté, assise dans son salon, à l'échange entre son mari et le prêtre et de s'être interrogée: « Qui est cet homme ? Pourquoi est-il ici ? »
À la fin de la visite, Rico a proposé au père Markus d'utiliser sa voiture. « Maintenant, il lui a donné notre voiture! » a pensé Celani. Mais elle se souvient aussi que la prière offerte, la présentation de la fraternité Communion et Libération et les visites quotidiennes ultérieures du Père Markus ont été déterminantes. Celani décrit sa propre conversion comme un passage de la colère à la paix.C'est le Christ qui est venu me rendre visite et m'a accompagné, en me prenant littéralement par la main et en me disant : « Tu vas t'en sortir . Je t'aime et tu vas t'en sortir. et tu vas t'en sortir. Et vraiment, à partir de cette expérience, à partir de ce moment-là, tout a changé.»
Dans les derniers stades de la maladie, Rico ne pouvait pas parler et communiquait avec sa femme par écrit. Vers la fin de sa vie, il a écrit : « Nous avons eu un mariage et une vie très dramatiques et intenses avec toutes les circonstances, mais je revivrais tout, chaque détail de ce que nous avons vécu juste pour arriver à ce jour à prier ensemble et à avoir la conscience et la paix que nous avons en tant que couple ».
La réponse de Celani l'a choquée. Elle répondit sans hésiter : « Moi aussi ». Elle réalise qu'elle aime Rico pour son destin. « Peu importe la réalité, la façon dont il était dans ces circonstances, je l'aimais. Le parcours ardu de l'accompagnement de son mari dans la maladie et la mort a transformé le chemin de sa vie.
« À partir de ce moment-là, il y a toujours eu quelqu'un dans ma vie qui a eu besoin d'aide, qui a été malade, qui est en phase terminale d'une maladie. Dieu ne cesse de mettre ces personnes dans ma vie ».
A ce point là, la possibilité pour Celani de prendre sa retraite a constitué un tournant. Grâce à son poste et à ses relations dans le secteur de la santé, elle connaissait les besoins, les subventions et les aides gouvernementales pour la mise en place d'un service et a donc pensé à une organisation plus importante. Au lieu de cela, le travail s'est poursuivi sous la forme d'un accompagnement intime et personnel.
Un bon ami, Paul, a appris qu'il était atteint d'un cancer en phase terminale. Il a demandé à Celani de prendre l'équipe de nuit à l'hôpital après le départ de sa femme. Il voulait qu'elle s'assoie devant lui « pour que lorsque j'ouvre les yeux, je sache que quelqu'un est là ».Il a également demandé qu'un crucifix soit placé « juste devant ses yeux » et a demandé à Celani de laisser tomber son travail au centre de réadaptation: « Ca c'est beaucoup plus important. » « Après qu'il m'a dit cela », raconte Celani, “tout c’était seulement des détails”. À l'approche de la mort de Paul, un autre ami commun confronté à un diagnostic de cancer lui a demandé de l'accompagner de la même manière. Il ne m'est jamais venu à l'esprit de dire « non», dit Celani.
Une communauté de soins s'est développée autour de ce qu'elle faisait. D'anciens amis du lycée, des voisins et des amis de Communion et Libération se sont mobilisés lorsque quelqu'un était malade et avait besoin de soutien. Ils ont commencé à discuter de l'organisation plus importante que Celani avait d'abord envisagée. Il y avait un besoin reconnu de soins palliatifs formels, ce qui nécessitait un bâtiment, et il fallait donc trouver de l'argent. Les discussions se sont tournées vers une unité opérationnelle plus petite au sein d'une institution existante.
« Nous avions ce désir, en tant que groupe d'amis, de rendre l'accompagnement personnel exceptionnel. Nous voulions que les gens soient aimés et accompagnés comme Dieu nous regarde et nous aime. J'étais en mission. J'allais puiser dans mon réseau ».
Au lieu de cela, le groupe s'est heurté à un mur bureaucratique. Pourtant, le travail s'est poursuivi et chaque expérience a permis à Mme Celani d'apprendre quelque chose de nouveau sur sa vocation unique. Plus récemment, c'est à travers les jours, les semaines et les mois difficiles qu'elle s'est occupée de son père. Salvatore Celani est mort en 2023, trois jours après la fête de la conversion de saint Paul.
« Les dernières semaines de mon père ont été très difficiles pour moi sur le plan émotionnel. Il était tellement malade. Son malaise et sa douleur étaient si intenses. C'était difficile à regarder». Celani se souvient avoir prié : « Cher Dieu, aidez-le, aidez-moi, pour que je puisse rester devant lui ».
« C'est l'autre composante. Vous êtes un être humain. Il y a des moments où vous réalisez qu'il n'y a rien que vous puissiez faire. Il n'y a rien qui puisse répondre à ses besoins. Parfois, même en l'aimant, en s'asseyant, en lui tenant la main, en lui donnant ses repas, en le mettant à l'aise dans son lit, en faisant tout ce que l'on peut faire sur Terre, cela ne suffit pas.
« Lorsque vous arrivez à ce point, lorsque toutes les choses que l’on fait ne suffisent toujours pas, ce dont il a besoin en fin de compte, c'est de cette relation avec Dieu et de cette paix. Quelques mois seulement après la mort de son père, un évêque proche du mouvement Communion et Libération a appris qu'il était atteint d'un cancer. Malgré la fatigue qu'elle ressentait encore après s'être pris soin de son père, Celani et ses amis se sont à nouveau mobilisés. En rendant visite à l'évêque à l'hôpital, Mme Celani se souvient d'avoir regardé l'homme malade et d'avoir pensé : « Il n'y a rien de plus concret que cela ».
« Christ, tu es là dans cette histoire. Je ne sais pas ce que tu attends de moi, mais tu as mon «oui » et tout ce que tu me demande en l'accompagnant et en l'aidant de toutes les manières possibles, tu as mon « oui ».