"En célébrant l'anniversaire de la mort de Mgr Giussani, nous nous souvenons de notre union avec la communion des saints"

L'homélie du P. Kevin Burgess Vice-recteur à la Basilique Notre-Dame d'Ottawa, à l'occasion de la messe commémorative de la mort de Don Giussani.

En commençant ce soir, je voudrais simplement dire que c'est un honneur et une joie de célébrer cette messe commémorative avec vous tous à l'occasion de la 42e année de la fondation de Communion et Libération ainsi qu'à l'occasion de l'anniversaire de la mort du Serviteur de Dieu, Mgr Luigi Giussani, il y a 19 ans. Je tiens également à vous transmettre les salutations de notre archevêque, Mgr Marcel Damphousse, qui se trouve au Québec pour l'ordination épiscopale d'un nouvel évêque auxiliaire demain pour le diocèse de Québec. Prions pour lui et pour celui qui sera consacré évêque demain, Mgr Juan Carlos Londoño, et demandons peut-être à Mgr Giussani d'intercéder pour lui alors qu'il commence son ministère épiscopal au Canada et dans l'archidiocèse de Québec dans ces temps qui sont, j'en suis sûr, des temps joyeux, mais aussi des temps difficiles pour le peuple de Dieu dans ce diocèse. Et c'est précisément la question du « timing », ou moment choisi, que je voudrais aborder ce soir.

Le moment choisi, le moment choisi par Dieu, est précisément ce que je voudrais aborder ce soir. En parcourant certains des documents qui m'ont été remis, trois dates m'ont paru très significatives dans la vie de Mgr Giussani. Souvent, le Seigneur me parle par le biais de dates et lorsque certaines choses se produisent à des dates précises, en particulier lorsqu'elles tombent sur des jours de fête dans l'Église, cela peut être une façon dont Dieu essaie de nous parler à travers notre histoire, ici et maintenant, et peut-être de nous indiquer où il veut que nous allions. La première date de la vie de Mgr Guissani n'est pas vraiment une date, mais un événement qui s'est produit dans le train. Il y aurait eu une date inscrite sur son billet de train, et je serais curieux de voir le jour, mais nous y sommes (nous pourrions envisager de lui demander un jour au ciel). Quoi qu'il en soit, il était dans un train en 1950, à l'époque en tant que prêtre dans le diocèse de Milan. Il enseignait au séminaire et partait en vacances sur la côte italienne. C'est dans ce train qu'il a eu une sorte d'épiphanie. Il rencontre quelques jeunes dans le train et a une conversation sur la foi avec eux, et il se rend compte à cette occasion que la foi ne semble pas si importante pour eux. En fait, de nombreux jeunes de l'époque ont commencé à remettre en question la pertinence de la foi et de l'Église.
Cette rencontre surprise ressemble beaucoup à l'histoire de Jonas dans la première lecture que nous avons entendue aujourd'hui. Ce que nous avons lu aujourd'hui est vraiment la partie réussie de l'histoire de Jonas : sa prédication à Ninive qui convertit toute la ville et même les animaux. Mais si nous revenons un peu en arrière, ce n'était pas une mission que Jonas voulait accomplir. En fait, lorsque Dieu a dit à Jonas d'aller à Ninive, Jonas a d'abord résisté. Jonas et le peuple juif de l'époque ne se souciaient pas vraiment des Ninivites. Ils les détestaient. Jonas a donc pris un bateau en direction de Tarsis, un endroit situé dans la péninsule ibérique (l'Espagne et le Portugal d'aujourd'hui). En fait, Dieu a dit à Jonas d'aller à l'est de Ninive, et que fait Jonas ? Il va à l'ouest, à Tarsis. Mais Dieu ne l'a pas abandonné. Finalement, Jonas est jeté hors du bateau dans lequel il se trouvait et est avalé par un gros poisson. Jonas passera trois jours dans le ventre de ce poisson avant d'être recraché sur les rives de Ninive, là où Dieu le voulait, et c'est là que la première lecture d'aujourd'hui prend le relais. La parole du Seigneur fut adressée une seconde fois à Jonas, en ces termes : "Lève-toi, va à Ninive : « Lève-toi, va à Ninive, la grande ville... » Et je pense que Jonas a compris le message.
Mais je pense que nous pouvons apprendre certaines choses de l'histoire de Jonas. Souvent, Dieu nous amène là où il le souhaite. Il nous suffit d'être attentifs à ce qui se passe autour de nous. Nous devons être ouverts à la rencontre avec ceux qui nous entourent dans le moment présent. Dans le cas de Jonas, Dieu l'a amené à Ninive parce qu'il voulait que les Ninivites reviennent à lui, qu'ils soient en communion avec lui. Et il avait besoin de Jonas (même s'il lui résistait) pour l'aider à y parvenir. Et dans le cas de Mgr Giussani, Dieu voulait atteindre ces jeunes dans ce train, et encore plus de jeunes dans les décennies qui suivraient. Le père Luigi aurait pu dire, vous savez ce que je fais comme vacances, ou peut-être préférait-il sa vie académique de professeur de séminaire, mais l'appel de Dieu était là ce jour-là, dans cette rencontre, dans cette communion, et il a réalisé qu'il avait besoin de changer quelque chose dans son ministère. Peu après cette rencontre dans le train, il a commencé à enseigner dans des lycées, ce qui a jeté les bases du mouvement Communion et Libération. Je pense que c'est le moment choisi par Dieu, car plus tard, au cours de cette décennie, l'Église allait entrer dans le deuxième concile du Vatican. Une période au cours de laquelle l'Église cherchera à déterminer comment elle doit être présente dans le monde moderne, une lumière pour les nations, Lumen Gentium, comme l'indique le titre de l'un des documents.


Une deuxième date qui me semblait importante était celle où le Conseil Pontifical pour les laïcs a reconnu la fraternité Communion et Libération : le 11 février 1982. Quand on regarde le calendrier liturgique de cette journée-là, c’est la fête de Notre-Dame de Lourdes. Onze ans plus tard, en 1993, l’Église reconnaîtra cette journée du 11 février aussi comme la Journée Mondiale des Malades. Pour souligner cette occasion, le pape chaque année écrit un message à toute l’Église. Et cette année, le message était intitulé : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Soigner le malade en soignant les relations. » Bien sûr, il cite l'un des premiers versets du livre de la Genèse :
« Il n’est pas bon que l’homme soit seul. » Je vous invite tous et toutes à lire le message de 2024 car il éclaire, je crois, le charisme de Communion et Libération. Le pape nous dit : « Dès le début, Dieu, qui est amour, a créé l'être humain pour la communion, en inscrivant dans son être la dimension des relations. Ainsi, notre vie, modelée à l'image de la Trinité, est appelée à se réaliser pleinement dans le dynamisme des relations, de l'amitié et de l'amour réciproque. Nous sommes créés pour être ensemble, et non pour être seuls. Et c'est justement parce que ce projet de communion est inscrit si profondément dans le cœur de l'homme que l'expérience de l'abandon et de la solitude nous effraie et est douloureuse, voire inhumaine. » Le message du pape montre que faire communion, chercher à être présent dans la vie des uns et des autres, surtout ceux qui souffrent et qui sont malades, peut contribuer et même opérer la guérison. La guérison pour nous, catholiques, ce n’est pas simplement sur le plan physique. Nous croyons que la vraie guérison vient aussi au niveau de l’esprit et de l’âme. Et c’est là qu’entrent nos relations. Nos relations ensemble en tant qu'être humain, mais aussi notre relation avec le Seigneur Jésus Christ, notre divin médecin. Aujourd’hui, nous le savons, la maladie peut se présenter sous diverses formes. Chez les jeunes adolescents et les jeunes adultes, plusieurs souffrent de maladies mentales, plusieurs souffrent d’isolement, de solitude. Nous sommes très connectés par nos téléphones intelligents et les médias sociaux, plus que jamais, mais pourtant, plusieurs se sentent toujours seuls. Et la pandémie n’a fait qu’accélérer ce phénomène. Ce que l’Église propose, ce que des groupes comme votre fraternité proposent, est un antidote à cette isolation : la communion. C’est la communion avec le Christ qui peut nous guérir et nous rendre libres. Alors n’hésitez jamais à proposer le Christ à toutes celles et tous ceux que vous rencontrez sur votre route ou même dans le train.

Enfin, il y a une troisième date qui m'a marqué dans la vie de Mgr Giussani, c'est la date de sa mort, le 22 février. Ce jour-là, l'Église célèbre la fête de la Chaire de saint Pierre. une fête qui souligne en particulier le rôle de Pierre et de ses successeurs en tant qu'évêques de Rome. Chaque cathédrale de chaque diocèse possède une chaire (c'est de là que vient le mot cathédrale) et Rome ne fait pas exception à la règle. Cette fête nous rappelle que Jésus a fondé son Église sur le rocher de Pierre : "Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église". Cela nous rappelle l'unité que nous devons avoir au sein de notre Église. Cela nous rappelle la communion que nous devons avoir avec Rome et l'Église universelle. Et d'une manière particulière, alors que nous célébrons l'anniversaire de la mort de Mgr Giussani, notre union avec la communion des saints, pour laquelle nous prions aujourd'hui afin qu'il en fasse partie. Au ciel, nous ne serons pas seuls. Nous serons une communion de saints. Nous le professons dans le Symbole des Apôtres : "Je crois au Saint-Esprit, à la sainte Église catholique et à la communion des saints..." Et nous essayons de vivre cela dans l'Église ici sur terre. Je voudrais donc proposer que votre Fraternité, qui s'étend sur de nombreux pays, puisse donner à toute l'Église, et au-delà à tous les solitaires, les malades et les défavorisés de notre monde, un exemple, une image de la communion des saints, dont toute personne humaine est appelée à faire l'expérience.
Trois dates donc : un voyage en train, le 11 février et le 22 février. Toutes ces dates nous rappellent l'importance de la rencontre et de la communion dans notre vie quotidienne, afin que nous devenions de plus en plus, selon le temps de Dieu, une communion des saints.