Monseigneur Christian Lépine (Messe pour le le 19e anniversaire de la mort du père Giussani)

«Mendiants de Jésus-Christ »

Homélie de l'archevêque de Montréal Monseigneur Christian Lépine lors de la messe en la cathédrale Marie-reine-du-monde pour le 19e anniversaire de la mort du père Giussani.

Êtes-vous des mendiants de Jésus Christ ?

Au milieu des années quatre-vingt-dix, le pape Jean-Paul II avait invité à Rome les mouvements de renouveau et d'évangélisation dans un grand rassemblement de nouvelles communautés et certains avaient été invités à faire des témoignages. Le Père Giussani avait alors fait un témoignagetrès bref. Comment traduire en quelques minutes des décennies de cheminement qui l'ont animé dans sa vie personnelle, dans la vie de fondation de Communion et Libération ? Le mot-clé de son message était mendiant.

Le premier mendiant est Jésus-Christ qui est le mendiant de nos cœurs, qui se présente à nous comme ayant soif de nous et c'est d'ailleurs le cri de Jésus sur la croix : « J'ai soif ». Lorsque Jésus dit sur la croix « J’ai soif », l’humanité blessée par le péché, l'humanité marquée par le péché n’a rien de mieux à lui offrir que du vinaigre, ce qui n’est pas tout à fait rafraîchissant.

Jésus-Christ a soif, il a soif de nous, il a soif de nous avant que nous ayons soif de lui. Au moment où dans mon cœur s'élève un désir de Dieu, une soif de Dieu, un désir de connaître Jésus-Christ, de marcher à sa suite, de l’imiter, cela fait longtemps déjà que Jésus-Christ a soif de mon âme, de mon cœur, de mon esprit.

Jésus-Christ a faim, il a faim de nous, il a faim de notre amour et il se présente à nous comme le mendiant. Être mendiant, c'est quelque chose de très fort. Être mendiant, ça veut dire que si je ne reçois pas de toi la nourriture, je n’ai rien. Je viens mendier parce que je n’ai pas d'autre endroit où aller. C'est très fort, être mendiant, et donc le mot-clé mendiant est utilisé dans les mots qui terminent son message : Jésus-Christ est mendiant de nos âmes et que nous sommes appelés à être des mendiants de Jésus-Christ. C’est-à-dire que Jésus-Christ, si tu n'es pas dans ma vie, je n'ai rien, je n'ai rien de solide, je n'ai rien de vrai, je n'ai rien de beau, je n'ai rien de bon, je n'ai rien qui demeure, je n'ai rien qui traverse le temps, je n'ai rien qui nourrit ma vie, je n'ai rien qui étanche ma soif et ma faim.

Avons-nous soif, avons-nous faim de Jésus-Christ ? Remarquez bien que c'est une question un peu étrange parce qu’avoir faim ou soif de Jésus-Christ, c'est en même temps un don; mais c'est un don quand même auquel on peut collaborer, c'est un don qu'on peut nourrir. Si, ayant soif de Jésus-Christ, je ne fais rien pour nourrir cette soif, la soif peut s'affaiblir. Si, ayant faim de Jésus-Christ, je ne fais rien pour nourrir cette faim, la faim peut s'affaiblir et d'autres nourritures prennent la place.

C’est une grande grâce d'avoir faim de Jésus-Christ, d'avoir soif de Jésus-Christ, c'est un grand don de Dieu d'être devant Jésus-Christ comme un mendiant de Jésus-Christ.

Communion et Libération donne à ses membres - et vous donne - et en même temps offre à tous dans l'église un témoignage de gens qui sont des mendiants de Jésus-Christ et qui nourrissent leur faim en Jésus-Christ, qui nourrissent leur soif de Jésus-Christ. Comment ? Vous êtes des mendiants de la parole de Dieu. Être mendiant de la parole de Dieu, c'est entrer dans le mystère de Jésus-Christ, donc, se nourrir de la faim de Jésus-Christ, être mendiant et avoir soif de Jésus-Christ, avoir soif de la parole, c'est être guidé sur le chemin de Jésus-Christ et dans Communion et Libération, vous trouvez un milieu de vie qui nourrit votre faim de la parole, votre soif de la parole de Dieu qui fait son œuvre. C’est pour cela que la parole de Dieu demande de l'étude, mais ça demande tout d'abord de l'accueil parce que Dieu fait son œuvre en nous à travers sa parole et bien sûr on est appelés à l'étudier, à la réfléchir et à la partager mais on reçoit la parole de Dieu dans un contexte d'accueil. Saint-Pierre l'a dit, Saint-Paul l'a dit, la Bible dit comme étant vraiment une parole de Dieu : la Bible c'est la parole de Dieu. C'est vrai que Jésus-Christ est la parole de Dieu en personne, que Jésus-Christ c'est le Verbe fait chair, que Jésus-Christ c'est la Parole au sens de l’éternel, au sens du Fils éternel, mais c'est une parole qui s'exprime à travers la Bible. Des auteurs humains inspirés par l'Esprit-Saint ont mis par écrit cette histoire sainte qui est véritablement la parole de Dieu, donc nourrir sa soif et fréquenter la parole de Dieu c'est fréquenter Jésus-Christ ; nourrir sa soif de la parole et sa faim de la parole c'est nourrir sa soif de Jésus-Christ et sa faim de Jésus-Christ. C'est nourrir le désir de Jésus-Christ, c’est nourrir le désir de Dieu.

Dans votre famille Communion et Libération, vous avez aussi le pain de l'eucharistie : Jésus-Christ présent. Avoir la faim de l'eucharistie, avoir la soif de l'eucharistie et la faim de l'eucharistie, c'est nourrir sa faim de Jésus-Christ, c'est nourrir sa soif de Jésus-Christ, c'est devenir de plus en plus un mendiant de Jésus-Christ, mendiant de sa présence, c'est là quelqu'un dit l'amour. L'amour qui dit : je ne peux pas vivre sans toi. C’est-ce que dit l'amour est donc comme milieu de vie, vous recevez la parole en nourriture et la présence du Christ en nourriture, la présence du Christ dans l'eucharistie vous grandit dans votre soif de Dieu, vous grandissez comme mendiants de Jésus-Christ. Avoir cette conscience vive que j'aurais beau avoir tous les biens de la terre si je n'ai pas Jésus-Christ je n'ai rien, que j'aurais beau avoir les relations humaines les plus bénéfiques si je n'ai pas l'amour ce n’est pas éternel si je n’ai pas Dieu ce n’est pas éternel c'est pour penser en termes de soif et de vie qui demeure et de vie éternelle comme le dit Jésus à la Samaritaine. Il faut penser en termes de soif de Dieu, de faim de Jésus-Christ, d'être mendiant de Jésus-Christ parce que c'est Jésus-Christ qui apporte la vie éternelle parce qu'Il est la vie éternelle. En Jésus-Christ, la vie éternelle ce n'est pas un projet, ce n'est pas l'aspiration (un espoir dans l'éternité, non, Il est éternel) ; c'est une réalité : il est le fils unique du Père éternel, être mendiant de Jésus-Christ avoir être mendiant de l'éternité, être mendiant de la vie éternelle. Mais comme la pédagogie du Père Giussani nous l'évoque à travers tant de rencontres et tant de méditations c'est que l'être humain est habité par une faim qu'il ne peut pas combler par lui-même, il est habité par une soif qu'il ne peut pas étancher par lui-même, il est habité par une faim, une soif que seul Dieu peut étancher, que seul Jésus-Christ peut combler. C’est le paradoxe de l'être humain, un des paradoxes : il est fait pour l'éternité et Dieu veut lui donner la vie éternelle, on ne peut pas se donner à nous-mêmes, il est fait pour l'amour infini ; Dieu veut nous donner son amour infini qu’on ne peut pas se donner à nous-mêmes.

En allant avec le Notre Père dont nous parle l'Évangile aujourd'hui, on pourrait aussi centrer sur avoir faim de la parole de Dieu, avoir faim de la présence de Jésus-Christ dans l'eucharistie, mais aussi avoir faim de la volonté de Dieu : avons-nous faim de la volonté de Dieu ? Dans le discours de la Samaritaine, Jésus va dire quelque chose d'assez étonnant : ma nourriture, ce qui me nourrit c'est de faire la volonté de mon Père qui est dans les cieux ; c'est sa nourriture et quand il nous apprend le Notre Père, il nous apprend à dire « que ta volonté soit faite ». Avoir faim de la volonté de Dieu, avoir faim du plan de Dieu, avoir faim de la révélation de Dieu, avoir faim de la vérité, de la vérité de Dieu, je suis le chemin, la vérité et la vie, avoir faim de cette vérité. Être mendiant de Jésus-Christ vient creuser notre cœur, notre âme, notre esprit à une profondeur qui nous échappe à nous-mêmes, une profondeur que Dieu vient habiter.

Communion et Libération, en étant un milieu de vie et d'expérience, vous faites l'expérience d'être nourris par la parole, nourris par la présence de Jésus-Christ dans l’eucharistie, nourris par la volonté de Dieu et par la recherche de la volonté de Dieu, devient pour l'église et pour la société un lieu de rayonnement, un lieu de témoignage : témoigner de la faim de Dieu et témoigner que le chemin de la faim de Dieu, le chemin d'être mendiant de Jésus-Christ c'est un chemin sur lequel on marche ensemble comme on le dit souvent aujourd'hui. C’est un chemin qui libère parce que Celui qui est la vérité nous apporte aussi la libération ; un chemin qui fait grandir l'espérance, qui fait grandir la légèreté du cœur, qui fait grandir cette aspiration parce qu'on est nourris par Jésus-Christ on sait que ça vaut la peine de vivre et d'aimer par la grâce de Dieu.

Soyons donc mendiants de Jésus-Christ qui est lui-même mendiant de nos cœurs. Soyons mendiants de la Parole de Dieu, de la présence de Jésus-Christ dans l'Eucharistie, mendiants de la volonté de Dieu afin de témoigner les uns aux autres que le Christ est vivant et à l'œuvre et que le Christ travaille au plus profond de nos âmes et à travers nos âmes afin que nous grandissons non seulement ensemble, mais les uns pour les autres, que nous soyons là les uns pour les autres et qu'en étant là les uns pour les autres, nous apprenions à être là pour l'Église, pour le monde et pour la société.

Témoignage du père Luigi Giussani lors de la rencontre du Saint Père Jean-Paul II avec les mouvements ecclésiaux et les nouvelles communautés. Place Saint Pierre, 30 mai 1998.

« Dans la simplicité de mon cœur, je t’ai tout donné joyeusement » (clonline.org)

LE MOT DE LA FIN DE JOHN ZUCCHI

Monseigneur, chaque année quand vous venez au chemin de croix je suis toujours frappé par le fait que vous lisez les mots du Père Giussani sans rien ajouter, vous entrez dans les mots d'une façon vraiment mystérieuse qui me touche beaucoup et j'aime vous remercier chaque année parce que je n’ai rien à ajouter non plus mais seulement surligner trois ou quatre points que vous avez communiqué à nous dans l'homélie. Avant tout ce soir vous êtes parti des mots de Don Giussani du 30 mai 1998: 'Let us be beggars of Jesus Christ who is a beggar of our souls'. Vous nous avez rappelé que CL offre à tous un témoignage de gens qui sont mendiants de Jésus-Christ. Vous avez parlé aussi de la famille de CL, une chose que j’ai beaucoup aimé. Nous parlons beaucoup de fois de la l'amitié de CL, mais vous êtes allé un peu plus loin encore avec cette idée de famille et vraiment le sens d'une famille avec toutes les faiblesses d'une famille les blessures d'une famille, la beauté d'une famille, la concorde d'une famille, l'amour d'une famille. Merci de nous avoir rappelé de cela. Et à la fin vous avez dit: 'to be beggars for Jesus Christ we do this for ourselves, for each other, for Christ and the world, et c’est un rappel profond pour nous tous, à faire tout cela pour nous et pour le monde.