Quelque chose d'exceptionnel

Avec l'atténuation des protocoles Covid, un groupe d'amis décide de passer des vacances ensemble, les journées se caractérisent par de beaux moments qui leur rappellent leur vrai besoin
Claire Vouk

Au début de la pandémie, notre groupe d’école de communauté a été contraint de poursuivre ses rencontres en ligne. Malgré la distance exigée par cette nouvelle formule, nous avons été surpris de constater que notre amitié s’était non seulement maintenue, elle s’était approfondie. C’est au sein même des circonstances dramatiques imposées par la pandémie et le confinement que nous avons reconnu l’importance d’un rapport d’amitié sincère, d’un lieu d’échange où il est possible de regarder la vie et son lot de défis d’une manière vraie et constructive.

Le fait de reconnaître l’importance de cette amitié a coïncidé avec l'atténuation des mesures sanitaires au Québec. C’est alors que Sarah a présenté l’idée d’organiser des vacances avec notre petit groupe d’école de communauté. Elle souhaitait vivre d’une manière concrète le rapport d’amitié qui s’était développé tout au long de l’année. Lorsqu’elle nous a présenté cette idée, plusieurs d’entre nous ont accepté sur le coup. Nous avons donc commencé à planifier notre voyage dans la région de Charlevoix, à l’est de la ville de Québec.

Dès le départ, nous avions de grandes attentes : « sortir » après de longs mois de confinement, voir de magnifiques paysages, prendre congé et partager la vie entre amis. Mais à l’approche du départ, des doutes se sont installés : est-ce que ça en vaut la peine si je dois travailler à distance ? Si j’ai un jeune enfant ? Si je ne partage pas nécessairement des amitiés « profondes » avec les personnes qui y participeront ?
Nous avons gardé ces questions en tête lors de la dernière rencontre de l’École de communauté avant le départ prévu. Nous ne savions toujours pas si nous allions y participer. Malgré le fait que cette rencontre n’avait pas effacé tous les doutes que nous avions, elle nous a rappelé la motivation initiale : l’idée qu’une vie au sein de cette amitié était plus intéressante, plus belle. Le soir même, Sarah m’a dit au téléphone : « Si nous oublions la raison pour laquelle nous sommes amis, les vacances sont vouées à l’échec. Nous devons nous souvenir de ce qui nous unit. »

Neuf d’entre nous ont passé la semaine ensemble à faire des activités que l’on fait habituellement en vacances : se baigner, organiser des randonnées, manger de la bonne nourriture et bien sûr, visionner les matchs de hockey. Un soir, nous avons passé une magnifique soirée à chanter tous ensemble. Plusieurs personnes ont joué des instruments de musique et interprété différents genres de musique. Un autre soir, notre amie Isabel a interprété deux sketches qu’elle avait rédigés dans son cours de théâtre. Il n’y avait pas de programme strict pour chaque jour, mais chaque moment était investi d’une attention particulière à la beauté. Que ce soit dans de petits gestes comme mettre la table ou encore préparer des cocktails, il semblait clair que le temps passé ensemble était précieux.

Ces vacances m’ont rappelé que cette amitié m’est nécessaire, qu’elle me recentre sur la réalité. Cela m’a paru évident après une nuit particulièrement épuisante où ma petite fille se réveillait toutes les heures. Cette nuit m’avait rendue tellement embarrassée et exténuée que le lendemain matin, avant le déjeuner, j’avais proposé à mon mari de retourner à Montréal. Malgré les arguments logiques de mon mari (tout le monde savait qu’ils partaient en vacances avec un bébé) j’étais convaincue que j’avais échoué en tant que mère et que les vacances étaient gâchées. En rejoignant le groupe ce matin-là, l’amitié d’Ellen a effacé tous mes tourments. Elle m’a fait un cappuccino et m’a proposé de faire le tour de l’île en voiture, une sortie qui s’est avérée spectaculaire. J’ai pu contempler le magnifique paysage côtier et c’est à ce moment-là que j’ai compris que sans cette amitié, j’aurais été privé de toute cette beauté.

Le dernier soir, nous avons partagé nos expériences et nos réflexions au dîner. Plusieurs d’entre nous ont remarqué que la semaine passée ensemble avait confirmé notre intuition initiale : cette amitié est véritablement exceptionnelle. Sarah nous a fait part du fait que la semaine passée ensemble lui rappelait une citation du père Carrón : « avec ces amis, j’irais jusqu’au bout de la terre ». Cette conversation a fait renaître le désir de se rencontrer en personne pour l’école de communauté, une question qui a comme origine la conscience du caractère exceptionnel de cette amitié.

Au quatrième chapitre des Exercices spirituels, le père Carrón décrit la certitude croissante des disciples : « De ce vivre ensemble, dérive la confirmation de ce caractère exceptionnel, de cette différence qui les avait frappés dès le premier instant. Avec le vivre ensemble, la certitude grandit. » Ces phrases du père Carrón me sont familières puisque j’ai reconnu le caractère exceptionnel de notre amitié à travers notre “vivre ensemble” . J’espère que cette certitude pourra continuer à croître.