
« Le monde a besoin de cœurs habités par le Christ »
Homélie de l'archevêque de Montréal Monseigneur Christian Lépine lors de la messe en la cathédrale marie-reine-du-monde pour le 18e anniversaire de la mort du père Giussani.Lors de l’audience accordée à Communion et Libération le 15 octobre 2022 pour le centième anniversaire de Don Giussani, le Pape a dit : « je vous invite à m’accompagner dans la prophétie pour la paix, être des prophètes de la paix. » Il a aussi dit que Jésus-Christ est le Seigneur de la Paix.
Le 15 novembre 2022, donc un mois plus tard Communion et Libération a repris cet appel du pape en invitant à prier pour la paix et en invitant au dialogue et soulignant ainsi l'importance du dialogue pour qu’il ait la paix.
Il y a un message de Luigi Giussani que j'ai trouvé sur le site de Communion et libération, une lettre qu’il a envoyée au Corriere della Sera en 2003 au moment de la guerre en Iraq, alors il parle de paix. Il disait : « rien n’est plus conforme que la paix à l'aspiration profonde du cœur de l'homme, le cœur humain aspire à la paix ». Et là, il va dire une parole qui peut apparaître étonnante mais qui en même temps va au cœur de la question et qui s'applique dans la question des bombes en Ukraine comme en Iraq à l'époque, mais qui s'applique aussi dans tout ce qui menace la paix : qui s'agisse l'angoisse que l'on qui peut nous envahir, qu'il s'agisse de la paix dans des familles, la paix dans l'église, la paix dans les communautés, la paix en nous, la paix autour de nous, ou la guerre. Dans l'explosion des bombes et des villes incendiées ce qui à mes yeux redonnent leur vérité aux choses est la pensée de la mort de Jésus. Je ne suis pas en mesure de me donner une autre explication que celle-ci : suivre le Christ qui va mourir sur la croix. Quel est le lien entre la mort du Christ sur la croix et la paix?
Sur la croix qu'est-ce qui est mort ? Qu'est-ce que Jésus a tué sur la croix ? Qu'est-ce qui est mort sur la croix? N’est pas la mort-même qui est morte sur la croix? N’est-ce pas la guerre même qui est morte sur la croix? N'est pas la guerre qui a été vaincue sur la croix? Parce que la guerre c'est comme un sommet de divisions, un sommet d’inimitié, un sommet de haine.
Sur la croix aucune haine, aucune violence, aucune souffrance, aucun coup n'a pu empêcher Jésus d'aimer. Nous, il y a tellement de choses qui nous empêchent d'aimer, il y a tellement de choses qui limite le mouvement de l'amour dans nos cœurs, dans nos vies : des préoccupations, des malentendus, des divisions, des divergences, des polarisations, beaucoup de choses… L'amour et un peu comme saint Paul dit de la foi qu’il est un trésor fragile, l'amour c'est un trésor fragile. Il y a un échec de l'amour dans nos vies et on est exposés à l'échec de l'amour dans nos vies. Mais dans sa mort sur la croix il n’y a pas d'échec de l'amour. En Jésus l'amour n'est pas un projet à réaliser, en Jésus l'amour c'est toujours une réalité actuelle, c'est une vie, c'est une vie que rien ne peut arrêter; même pas la mort. En Jésus l'amour est toujours vivant, toujours grand, toujours infini, toujours donner, toujours persévérant, toujours espérant. Comme Charles Péguy dit, « Dieu croit plus en nous que nous croyons en lui, Dieu espère plus en nous que nous espérons en lui. ». Et lorsqu'ici Don Giussani nous invite à regarder Jésus qui va mourir sur la croix on peut le voir; certainement c'est riche d'évocation, mais dans un contexte de paix on peut le voir comme une invitation à participer à cet amour que rien ne peut arrêter.
L'échec, la division, la haine, la souffrance, le péché viennent comme briser les langues l'amour qu’on a dans nos cœurs et si on veut la paix dans le monde, il faut que ça commence dans nos cœurs. La paix ça ne peut pas seulement être « qu’ils fassent la paix! ». La paix c'est être en paix, c'est être paix. La paix c’est accueillir la paix, s'ouvrir à la paix qui est à Jésus-Christ qui est Paix. Si on le fait ensemble comme un mouvement de Communion et libération ça devient comme un mouvement de paix. Si on le fait ensemble en Église ça devient comme un élan de paix.
Le monde dans lequel nous vivons ne pense pas qu'il a besoin de Dieu. Il ne pense certainement pas qu'il a besoin de l'église et pourtant et pourtant… Nous, croyons-nous que le monde a besoin de Dieu? Nous, croyons-nous que le monde a besoin de Jésus-Christ qui est paix et source de paix?
Nous, croyons-nous que le monde a besoin de nous? Le monde a besoin de nous parce qu'il a besoin de Jésus-Christ et nous sommes le corps du Christ. Le monde a besoin de l'église, le monde a besoin de Communion et libération, le monde a besoin de cœurs habités par le Christ, de cœur où le Christ est présent, vivant, rayonnant, humblement.
Je pense quand on va arriver au ciel on va être étonnés de bien des choses, mais une des choses qui va nous étonner c'est que Dieu est plus humble que nous. Une des choses qui va nous étonner est que Jésus-Christ est infiniment humble. Nous on a de la difficulté à être humbles, mais Jésus-Christ est humble. Avoir Jésus-Christ vivant en nous c'est déjà comme un premier geste d’humilité : « Seigneur, j'ai besoin de… j'ai tout essayé, j'ai tout essayé pour construire la paix, j'ai tout essayé pour être en paix dans ma famille, dans la société, dans l'église, j’ai tout essayé et je n'y arrive pas; j'ai besoin Seigneur de toi, j'ai besoin de ta paix et j'ai ce désir et nous avons ce désir et vous avez ce désir d'être des instruments de paix dans le monde. Le monde a besoin de paix, la société a besoin de paix. On est dans l'agitation perpétuelle. Un changement climatique amène une crise d'angoisse, une tempête imprévue bouleverse les vies… On a besoin de paix. Des malentendus dans la famille, au travail nous jettent à terre… On a besoin de paix. On a la gâchette facile on a un problème, on pense qu'il faut frapper sur les autres pour régler le problème…On a besoin de paix et cette paix, elle existe : c'est la paix de Jésus-Christ. Tout ce qui nous est demandé c'est de reconnaître qu'on a besoin de Jésus-Christ, mais aussi de croire que le monde a besoin de vous, de votre paix, de votre cœur habité par la paix du Christ.
Nous savons, nous l'avons vécu, que nous pouvons travailler autant que nous le voulons pour construire la paix, ce n'est pas facile : souvent nous allons d'échec en échec et peut-être pensons-nous parfois que la paix, c'est quand il n'y a pas de guerre, mais la paix est-elle seulement l'absence de guerre ? Non, la paix est la joie du cœur, une ouverture du cœur à Dieu et au monde, et à mes frères et sœurs. La paix est une manière de regarder les autres, une manière de regarder le monde, comme Jésus-Christ voit le monde. Jésus-Christ ne cesse de voir l'humanité comme des enfants de Dieu. Est-ce ainsi que nous voyons le monde ? Voyons-nous l'humanité comme des enfants de Dieu ? Nous avons besoin de la paix de Jésus-Christ, mais nous devons apprendre à regarder le monde comme Jésus-Christ regarde le monde. D'une certaine manière, en tant que chrétiens, nous devons être unis à Jésus-Christ et regarder le monde comme il le fait, mais en même temps le monde dans lequel nous vivons a besoin de découvrir dans notre propre façon de voir le monde, a besoin de découvrir le regard de Dieu. Où est le plus grand cri de paix ? Le simple regard de Dieu à travers Jésus-Christ a le pouvoir d'apaiser la douleur, le pouvoir de nous calmer, le pouvoir de nous pacifier. Le simple fait de savoir que Jésus-Christ me regarde, regarde chacun de nous avec son amour et sa miséricorde infinis et, dans le silence, se laisser voir par Jésus-Christ, accueillir le regard de Jésus-Christ. Il y a un regard de Jésus-Christ sur la croix. De la croix, que voit-il ? Comment nous regarde-t-il depuis la croix ? Quelques mots qu'il prononce depuis la croix, il nous dit ce qu'il voit. Il voit en nous ceux qu'il veut aimer, il voit en nous ceux qu'il veut pardonner, il voit en nous ceux à qui il veut faire le don de la paix, de sa paix : suivre le Christ qui va mourir sur la croix.